Par Amine koubbi. Coach de vie,préparateur mental, aventurier et coach yoga certifié world yoga Alliance.
Je commence par la fin. Je découvre que mon engagement avec moi-même est très fort, malgré la douleur corporelle. J’ai atteint un but en parcourant environ 600 kilomètres à pied en traversant toute la côte Atlantique liant Casablanca à Agadir, que j’avais fixée depuis mon retour du Népal en jui 2018, afin de mettre en exergue mes capacités mentales et physiques avec des moyens optimaux. Ce trajet qui a été divisé en trois parties à savoir : Casablanca-Safi, Safi-Essaouira et Essaouira-Agadir ont nécessité proportionnellement 6, 2 et 4 jours de marche. Le dernier trajet a une importance particulière car il est en bonne partie loin et isolé des agglomérations mais surtout l’absence de sources sûres d’approvisionnement en eau accompagnée de la difficulté d’anticipation du temps du trajet ont mis mon mentale à une rude épreuve qui a su assurer grâce à une meilleure préparation.
Les moments forts de mon voyage dans une zone hostile loin de toute commodité sont classés en deux catégories notamment les moments de joie et les moments de peur extrême. Les deux émotions se complètent et me font réjouir l’épanouissement personnel. La difficulté du trajet, le manque de données sur la géographie du terrain et tout le flou que j’avais sur la faisabilité du parcours m’ont fortement activé mentalement. Après mes premières expériences de marche méditative de la ville de Casablanca à Essaouira, la capacité mentale de prévoir, visualiser et croire en mes compétences m’avaient procuré la force tranquille qui se manifeste au bon moment de manière très optimale.Dans ce genre de voyage je ne peux compter, entièrement, sur les indications des gens car sont rares les personnes qui ont parcouru ces pistes perdues entre les montagnes, en raison de leur difficulté d’accès et la présence indéfinie des escarpements qui bordent la mère et des montagnes avec une végétation très dense en épines et d’animaux sauvages. Pour mon cas j’étais déterminé de frôler le maximum de pistes abandonnées et de franchir les escarpements quoi qu’il en soit ; c’est un voyage de survie.
Cette aventure m’a permis de définir sept états mentaux dans lesquels un sportif ou un aventurier se trouvera avant pendant et après les épreuves de force physique et comment s’y préparer mentalement. Je considère ces états mentaux comme un processus logique d’évolution de l’état psychologique en fonction des circonstances et des besoins du corps. Ainsi, je les ai classé en sept étapes successives :
La phase 1 : Technique d’optimisation de potentiel par la concentration
Les six heures de route de Casablanca à Essaouira en autobus mettaient un temps précieux dans lequel je me suis focalisé entièrement sur mon mental. J’ai écouté de la music instrumentale indienne de médiation basée sur le sitar et j’ai évité d’aborder le moins possible de sujets avec les gens et de ne prolonger aucune discussion sauf si c’est nécessaire ; cette phase je l’ai nommé une étape technique d’optimisation du potentiel qui vise à protéger mon mental de toute sorte de toxicité avant le départ effectif de l’aventure.
La phase 2 : l’activation partielle du potentiel

Depuis ma première nuit j’ai décidé de rentrer dans le jeu en marchant quelques km sur le sable avant le coucher de soleil tout en sauvegardant mon énergie pour le jour qui suit. Après 3,5 de km de marche sur le sable la nuit tombe ainsi je me suis mis discrètement derrière une dune de sable et entre la végétation d’une grande forêt où j’ai monté ma tente pour cette première nuit. Je considère ce moment précis, dans lequel j’étais conscient de la nécessité de respecter le processus d’adaptation en faisant le minimum d’effort et de mettre en avant ma sécurité et mon confort afin d’assurer une acclimatation mentale pour les prochains jours.Ma stratégie de se priver de la chaleur d’une chambre d’hôtel à quelques minutes de la ville d’Essaouira dès le départ m’a été utile pour une activation partielle du potentiel et entrer progressivement dans une expérience intense."Appliquez pendant toute l’opération la règle : Observation, Action, Évaluation".
Une analyse de la situation et de mon état physique et psychologique après une première nuit dans le froid et le vent à quelques mètres de la mer était cruciale pour apprécier mon potentiel par rapport à l'effort fourni dans cette courte partie de toute l’expérience. Mon analyse s’est focalisée, en premier lieu, sur mon mental en niant totalement mon état physique. Cela permet un contrôle a priori de mon état actuel et de faciliter la prise de décision ce qui réduit considérablement le temps de réflexion. Après avoir préparé mon sac en quelques minutes en me mettant prêt à quitter le campement en quelques secondes, je médite pendant quelques minutes afin de retrouver mon soi intérieur et de l’apaiser par rapport à ce qui suit. En consommant les kilomètres l’énergie augmente en un seul coup et vous sentirez très fort ce qui est un signal important à prendre au sérieux afin d’éviter un épuisement physique rapide. Cette sensation devra être conservée par un ralentissement dans la marche et pourquoi pas une pause. Mon expérience dans les ascensions de montagne difficiles m’avait appris à décoder les signaux de mon corps et de leur donner explication. Cette explosion énergétique n’est qu’une réaction mentale qui se déclenche dans un moment inapproprié suite à un paysage inhabituel ou une pensée quelconque, qui engendre un déclenchement de la dopamine dans le corps même s’il n’en a pas besoin ce qui n’est pas une bonne chose car ceci va se solder par une fatigue totale en quelques minutes après. Cette réaction subconsciente de votre cerveau doit être arrêtée très rapidement par un changement de pensée ou une méditation.
Le mental se manifeste dans le corps si on ne le maîtrise pas. Restez concentré sur votre objectif et ne pas céder à la tentation.Après avoir parcouru environ 22 km sur le sable et franchir quelques escarpements j’arrive à Sidi Kaouki qui est un mausolée qui donne sur la mer avec une très belle plage. Ces premiers kilomètres des 155 restantes m’avaient procuré plus de confiance en mon potentiel car mon effort était très modeste mais la beauté du paysage alla me prendre au piège. Les arrêts et les pauses non planifiés ou non indispensables bouleversent le mental en perdant la concentration sur l’objectif du voyage et aussi une perte considérable du temps exploitable de la journée qui est si courte en cette période d’hiver.
Après Sidi Kaouki et à quelques kilomètres vers le sud on commence dans une géographie difficilement franchissable. Des grandes falaises et peu de terres plates. Dans cette phase mon sang-froid et la confiance en mes atouts étaient cruciaux pour aboutir à un endroit plus hospitalier pour passer ma deuxième nuit très loin de toute agglomération. Le coucher de soleil était le signal de s’arrêter et de camper mais ceci n’était pas facile. C’était un vrai combat mental entre la force de la logique qui met en évidence d’un côté ma sécurité et d’un autre côté, mon potentiel physique et psychique farouchement prédisposé à marcher encore quelques kilomètres pour profiter pleinement de la fraîcheur de la nuit. Enfin ! la raison sécuritaire s’impose.
Phase 3 : l’exploitation maximale du potentiel

Le matin du troisième jour, je me rends compte de la sagesse de ma décision d'avoir passé la nuit dans cet endroit. la lumière du jour m'a révélé une énorme falaise à quelques mètres de mon campement et ce n’était que le début d’une intense journée dans laquelle il m’a fallu traverser l’un des endroits les plus hostiles de tout le chemin. Précisément, à 4 kilomètres de Sidi Ahmed Sayeh jusqu’au port du village Tafadna. Un parcours dans lequel la beauté des plages mariées aux immenses montagnes qui frôlent l’Atlantic. Celles-ci, sont presque infranchissables avec des falaises à couper le souffle dont j’ai dû descendre et remonter des dizaines de fois pendant au moins sept heures de marche intense avec un sac à dos qui pèse environ 18 kilogrammes. Cette rude épreuve était assaisonnée par le manque d’eau. Mon subconscient a activé pleinement mon potentiel d’où mon mental a déclenché une quantité très élevée d’adrénaline suite à la situation alarmante que je subissais caractérisée par le sentiment de danger et la déshydratation. Par conséquent, je n’avais, absolument, pas intérêt à m’arrêter à mi-chemin avant d’arriver au port de Tafadner pour s’hydrater et se ressourcer.Ce diabolique passage m’a épuisé physiquement mais je ne me rendais pas compte car mentalement j’étais tranquille et prêt à accueillir ce genre d’épreuve et surtout que je me suis, parfaitement, rodé par la visualisation et la projection.
"Le mental est un moteur qui doit être conforme à la carrosserie".La monter excessive de l’adrénaline, la dopamine et les endorphines pourraient me coûter tout le voyage ! Mon corps s’est transformé en un esclave de mon mental qui le suit et se contente d’exécuter. Ainsi, après avoir pu me ressourcer dans le port de Tafadna mon cerveau programmé me renvoie encore le signal d’avancer quelques kilomètres avant le coucher de soleil. En marchant quelques kilomètres vers le sud et remontant l’une des dernières montagnes avant d’emprunter la piste menant vers le village d’Imsouane, j’ai décidé encore une fois de céder à la loi de la nature et de camper à quelques minutes après le coucher de soleil. Cette nuit était particulièrement belle dans mon esprit car je me suis retrouvé avec moi-même, j’ai savouré la gratitude de mon âme et j’ai remercié mon corps. Je n’avais qu’une seule envie, qu'est de m’allonger et d'observer les étoiles comme si je ressentais le mérite et la fierté d’avoir réussi cette troisième étape, mais cela n’a duré que quelques minutes avant l’arrivée de deux jeunes pêcheurs avec qui j'ai longtemps parlé autour d’un vers de thé ! Ceci m’a rassuré et m’a conforté pour dormir en toute tranquillité.
Phase 4 : la récupération et la réactivation

L’effort intense que j'avais fourni la veille m’a beaucoup affecté physiquement, ainsi que le manque de sommeil m’a fait penser à ce que je risque d’endurer pendant le reste du voyage mais je me suis fixé un objectif intermédiaire qu’est d’arriver à Imsoune tout d’abord sans penser au reste du voyage. Cela m’a beaucoup servi mentalement. Mon corps, encore une fois, répondit à mon mental et savoure déjà le bonheur du confort qu’il aura une fois arrivée à destination.À Imsouane je prends le temps de me ressourcer et de nourrir le corps et l’esprit. Manger du poisson tout frai m’a fait du bien après vingt-sept kilomètres de marche. J'ai honoré mon corps qui a assuré et à qui je fais de plus en plus confiance. Je l’ai remercié et caressé comme étant une gratitude de mon mental à mon corps qui a su répondre à ses ordres. Les belles rencontres dans ce charmant petit village m’avaient boostées énergétiquement mais mentalement je reste concentré sur mon but et au bout d’une heure il me donne le signal de reprendre la route tant que le soleil est encore présent.
"équilibrer entre effort/potentiel"
Après Imsouan j’ai pris connaissance de mon potentiel mais je n’avais pas l’intention d’épuiser mes ressources en énergie jusqu’au dernier kilomètre. Cependant, après le dépassement du village Tildi qui est juste en face d’Imsouane je fais une rencontre inattendue! un désert avec de très grandes falaises avec une quasi-absence de tout signe de vie. Mon mental se réactive pleinement et commence à me préparer au pire. Mon corps réagissait avec excellence et j’arrive à grimper avec une très grande aisance les obstacles suite à une sensation de peur de l’inconnue surtout avec le coucher du soleil. Il n’était pas question de dormir dans ce lieu bizarre et inattendu. Je me suis dirigé vers la première lumière qui m’est apparue. C’était la route nationale de Tamri à 61 km de la ville d’Agadir. Après avoir marché environ 18 km d’Imsouane dont une heure et demie dans l’obscurité j’ai décidé d’arrêter et de ne plus fournir d’effort physique jusqu’au matin car j’ai pris conscience que mon corps n’est plus capable de produire des messages d’alerte et il est en transe totale ce qui est un réel danger pour moi. Effectivement, une fois j’ai installé la tente et me suis allongé mes pieds me faisaient très mal et je n’arrivais pas à fermer mes yeux. À ce moment-là je comprends que mon potentiel physique était au bout de ses limites et mes derniers kilomètres ne seront pas aisés à franchir.
Phase 5 : Exploitation maximale du potentiel
Le lendemain vers quatre heures et demie du matin je décide de me lever et commencer ma dernière journée tel que j’avais planifié. La nuit était longue car je n’ai pas pu dormir à cause du froid glacial et de l’épuisement de mes pieds mais le mental était suffisamment préparé et faisait confiance à mon corps. Ayant débuté la marche très tôt le matin m’a donné une avancée considérable pour Franchir la dernière montagne de la ville de Tamri mais la marche sur la terre goudronnée n'était pas sans conséquence. Mes pieds ne sont pas dus tout préparés à marché sur une terre plate et goudronnée ce qui a engendré en moi un sentiment d'ennuyer et une monotonie à laquelle je n’étais pas préparé. Dans une sensation d’épuisement énergétique et des douleurs corporelles, le mental surgit de nouveau comme une puissance énergétique et renvoie des signaux de gloires et de succès mais son effet n'était que de courte durée.
Phase 6 : Se ressourcer par la méditation
Il ne reste que 24 kilomètres pour arriver à Agadir. Mon corps ne répond plus comme avant, essentiellement mes pieds qui se sont enflammés au niveau des souliers, mais mon mental n’en est pas question. Dans un tel état le hatha-yoga est un très bon remède. Ainsi, j’ai décidé de me procurer une courte pause pour pratiquer quelques asanas, de méditer et de se baigner dans la mer. Cette pause m’a permis de se réconcilier avec mon corps et de prendre conscience de l’ampleur de ses souffrances. Ceci était un court travail respiratoire avec quelques asanas (postures) ainsi une observation de mon corps. Cette pause était une véritable thérapie tantôt psychique que physique.
Phase 7 : face à mon ego et la découverte de soi
« le mental est comme un cheval en état sauvage, soit vous le rodez à vous obéir consciemment, soit vous le complexez à vie »
La marche que j’ai entamée depuis Taghazoute à Agadir était plus facile que je l’avais estimé mais les derniers kilomètres étaient un réel test de mon ego qui me força à ne négliger aucun mètre et de parvenir jusqu’au centre de la ville ! Mon mental était préparé à cette phase depuis mes expériences à Toubkal d’où il s’acharne et devient incontrôlable si vous ne l’avez pas préparé par la visualisation et la mise en situation. Pour ceci, Je n’ai pas accepté que le mental reste le dominant dans toute cette expérience et je m’arrête au kilomètre six avant Agadir afin de faire plus preuve de rationalité et de sagesse. Je reviens à moi-même et je me demande qui est Amine, puisqu’il y a une évidence que je ne suis ni mon mental ni mon corps. J’ai appris aussi qu’une activation du mental doit se solder par une désactivation ce qui je n’ai pas pu le faire après avoir achevé les 180 kilomètres car je pense déjà à ma prochaine aventure.
